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Figma Sites : une mauvaise nouvelle pour la conception responsable ?
Publié le
Le 7 mai 2025, Figma 1 a annoncé le lancement d’un nouveau produit : Figma Sites. La promesse : publier un site directement depuis une maquette Figma.
Les réactions de la communauté du design vont de “Wouah trop bien on va pouvoir se passer de développeuses frontend qualifiés” à “Oh la cata pour l’accessibilité”.
Alors qu’en est-il du point de vue de la conception responsable ? Quelques éléments dans cet article à chaud, après quelques tests rapides.
Figma Sites et l’accessibilité
Adrian Roselli a fait des tests d’accessibilité rapides sur les sites de démo proposés par Figma pour le lancement. Le résultat n’est pas brillant. En lançant en grande pompe un produit sans se soucier de l’accessibilité, Figma envoie un mauvais signal.
Html sémantique quoi ?
Par défaut, Figma Sites ne crée que des balises <div>
: une balise qui n’indique rien sur le rôle de l’élément dans la page, et qui n’aide donc pas du tout à structurer le contenu. Or la structuration du contenu est l’un des moyens de favoriser l’accessibilité. Par exemple, en utilisant la balise <nav>
pour un menu, on le rend compréhensible notamment pour les lecteurs d’écran.
Dans Figma Sites, il faut aller chercher un réglage caché tout en bas à droite pour changer la balise d’un élément. Une page d’aide dédiée – c’est un bon point – présente les différents réglages d’accessibilité.

Certaines balises ne sont pas disponibles, notamment <ul>
et <ol>
, qui aident à structurer les listes et sont très utilisées sur le web.
Texte alternatif où ça ?
Sur un site web, lorsqu’une image transmet une information, on ajoute un texte alternatif qui sera restitué par les technologies d’assistance aux personnes qui ne peuvent pas voir l’image. Dans Figma Sites, il faut là encore aller chercher le paramètre tout en bas à droite pour ajouter un texte alternatif. Aucune indication n’aide à rédiger ce texte, ou à connaître la longueur appropriée.
Une opportunité manquée
Au moment de publier un site, Figma Sites fournit une liste d’alertes pour les problèmes à résoudre. Côté accessibilité, on a vu des alertes “il manque un label ARIA” concernant des liens. C’est assez drôle en soi parce qu’un lien html
standard n’a pas besoin de label ARIA.
Pour rappel, les attributs ARIA sont là pour compléter les standards html
lorsqu’il manque des fonctionnalités. Ils sont très utiles pour créer un mégamenu accessible par exemple. À l’inverse, un simple lien dans une balise <a>
, qui est faite pour ça, ne devrait pas avoir besoin de label ARIA.
On comprend mieux le problème quand on voit le code généré par Figma pour un simple lien.

tabindex
, role
, et aria-label
ne devraient pas être nécessaires. La <div>
supplémentaire a l’intérieur de la balise <a>
n’a pas lieu d’être. Pourquoi donc m’alerter sur l’absence d’un label ARIA superflu, et pas sur l’absence de texte alternatif, ou la présence de deux éléments <main>
?
Sans être parfait, l’ajout de ce type de vérifications avant la publication enverrait un meilleur signal sur l’importance accordée à l’accessibilité par un acteur majeur du design.
Figma Sites et l’écoconception
Je me méfie par défaut des outils no-code 2 pour l’écoconception : ils ajoutent une couche de complexité et n’encouragent pas du tout à aller à l’essentiel. Je parlerai peut-être un autre jour de Webflow ou Framer, qui dominent ce segment.
Mais aujourd’hui, on s’intéresse en particulier à comment s’en sort Figma Sites côté impact environnemental.
Des démos bien trop lourdes
Une analyse écoindex des sites de démo proposés par Figma donne une première idée de l’importance accordée à ce sujet.
Sur https://www.config.new, on enregistre 92 requêtes, 4,3 Mo de ressources transférées, et 1818 éléments dans le DOM. Le tout nous donne un écoindex à F.
Sur https://www.practice-type.com, c’est 58 requêtes, 3,5 Mo et 534 éléments, pour un écoindex à D.
C’est pas terrible. Mais de tels résultats peuvent être liés aussi bien à la techno qu’à la conception en amont, et sûrement à un mélange des deux.
emue-design.fr avec Figma Sites
Pour compléter ces tests, j’ai donc refait rapidement la page d’accueil de ce site avec Figma Sites. Cette page est minimaliste : pas d’animations, 3 images et du texte.
Sur cette version Kirby, on a 13 requêtes, 171 Ko de ressources transférées, et 207 éléments dans le DOM, pour un écoindex à A.
Sur la version Figma Sites (dépubliée après mes tests), on passe à 29 requêtes, 394 Ko et 495 éléments, pour un écoindex à B.
Avec le même contenu, la version Figma Sites dépasse le double en nombre de requêtes, taille des ressources transférées et taille du DOM. La différence se joue surtout au niveau du poids du document html
lui-même, et de tout un tas de scripts ajoutés pour je ne sais quoi.
Y a qu’à pas l’utiliser ?
Pour l’instant, je ne peux donc que vous déconseiller d’utiliser Figma Sites pour publier vos sites.
Mais l’enjeu est plus large que les choix que vous ou moi faisons. Lorsque les designers construisent des services numériques, ils et elles ont des responsabilités vis-à-vis de la société et des utilisateurices finales. Lorsque les designers construisent des services numériques pour les designers qui construisent des services numériques, le niveau de responsabilité est démultiplié par effet boule de neige.
Figma a une position ultra dominante sur le marché : en promouvant la publication de sites non accessibles et plus lourds qu’ils ne le devraient, l’entreprise entretient le statu quo d’un web ignorant des limites planétaires et des vulnérabilités humaines.
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